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mardi 26 juillet 2011

A quoi sert la démocratie ?

(Le Potentiel 09/06/2011)


En cette période pré-électorale, elles sont florilège les déclarations appelant à plus de démocratie ou réfutant tout déficit démocratique au Congo. Cependant, aucun des ces avis « éclairés » ne nous donne une définition exacte de ce qu’est la démocratie en dehors du sempiternel « gouvernement par le peuple pour le peuple ». Il faut s’arrêter un instant sur ce type de concepts qui viennent d’ailleurs, dont nous nous servons abondamment et qui semblent dénués de sens dans notre réalité congolaise. Récit d’un voyage sémantique en terre de liberté.

La démocratie n’est pas née au Congo, elle lui est étrangère. Comme la société internationale, la démocratie est d’essence européenne. Grecs et Perses ont contribué à l’élaboration de ce système politique. Le passage de la cité à l’Etat moderne après le traité de Westphalie en 1648 et l’expansion européenne par la colonisation ont durablement installé dans toutes les contrées une vision européenne de la gestion des affaires publiques.

La démocratie est étrangère à notre imaginaire collectif, à nos aires linguistiques et à nos pratiques culturelles. Contrairement à l’Europe, elle ne procède pas d’une maturation historique. La démocratie au Congo est le résultat d’un choix, non pas d’une évolution qui aurait secoué lentement et sûrement les fondations de la société. Cela explique en partie ses balbutiements et que chaque élection connaisse son lot de contestataires, de contestations et de violences.

Cela signifie-t-il que nous devons abandonner la démocratie ? Pas nécessairement et de toute manière, un seul homme ou une seule femme ne peut répondre à cette interrogation. La démocratie doit résulter du choix conscient du plus grand nombre. Choisir la démocratie revient à l’intégrer dans notre identité nationale. Si ce pas n’est pas franchi, notre histoire de violences se répétera inlassablement.

La démocratie n’est pas une abstraction intellectuelle, elle est une pratique et un vécu. Il faut connaître beaucoup d’élections, beaucoup de sessions parlementaires, provinciales ou communales pour maîtriser la démocratie. C’est en forgeant que l’on devient forgeron, dit le proverbe. Une démocratie s’établit sur des institutions qui survivent aux individus. Elles doivent être assez rigides pour ne pas être changées au gré de l’exécutif, mais assez souples pour pouvoir s’adapter aux circonstances.

Beaucoup de gens se gaussent, se moquent ou rigolent des déboires de la Belgique qui a fait plus d’un an avec un gouvernement en affaires courantes. Ils ont tort ! C’est un bon exemple de démocratie : la contradiction des votes entre le Nord et le Sud du pays ne se résout pas dans la violence, mais dans la négociation politique même âpre. De plus, le vote d’une loi de finances spéciale a évité à l’administration de se retrouver sans budget de fonctionnement alors que les compétences de son gouvernement sont par essence restreintes. Enfin, le Parlement, représentant de la volonté du peuple, continue à produire les lois nécessaires au bon fonctionnement du Royaume. Pourrait-il en être de même dans un Etat africain ?

La démocratie n’empêche pas la violence, elle la canalise à travers le droit. Tout l’enjeu de la démocratie se situe dans sa capacité à maîtriser les conflits qui naissent au sein d’une société. En d’autres termes, la démocratie est un mode de gestion des revendications diverses qui émanent de groupes sociaux différents. Les partis peuvent être les relais de ces revendications.

La contestation s’organise autour de règles suivies simultanément par ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui veulent le conquérir. Il n’y a pas de démocratie sans respect des normes et sans respect tout court. Il faut de la démocratie formelle pour commencer à faire de la démocratie réelle.

Prétendre à la victoire avant le dépouillage des urnes revient à déclarer la guerre en cas de résultat contraire à ses attentes. Ce n’est pas la démocratie.

La démocratie s’appuie sur des ressources humaines et matérielles, le fonctionnaire est au cœur de la démocratie. La production de biens et services à destination de la population, le contrôle et le respect des règles, la planification du développement passent par des fonctionnaires, agents de l’Etat, et un budget conséquent.

La RD Congo avec un budget de 7 milliards de dollars pour 70 millions d’habitants dépense à peine 100 dollars par an pour ses concitoyens. Cela est dérisoire et plonge nos gouvernants dans une véritable impossibilité de gouverner économiquement le pays. Ce faible budget a pour conséquence des salaires peu compétitifs pour les agents de l’Etat : la corruption devient alors un art de la survie. Il faut débarrasser le fonctionnaire des besoins primaires pour qu’il puisse assurer la bonne marche de l’Etat.

Au-delà des mots, la démocratie est avant tout une gestion particulière de la chose publique. Par les élections, et donc le choix d’un projet de société, nous serons amenés à choisir un destin national. Assurons-nous d’avoir la même conception des principes dont nous nous réclamons et surtout soyons sur qu’il y a un consensus national sur la démocratie comme processus de régulation de la société.

MADIMBA KADIMA-NZUJI

madi_kadima@yahoo.fr

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